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J’étais un agriculteur heureux. Jusqu’à ce jour où tout a basculé.

J’ai 42 ans et je n’avais jamais vu de psy auparavant. Dans ma famille, on disait « Benjamin, si tu as un problème, tu le règles ! Ça ne sert à rien de se plaindre avant d’avoir mal, la peur n’évite pas le danger ». On ne fermait pas les yeux sur la souffrance (d’ailleurs ma famille a toujours été très aidante) mais le problème ne devait pas prendre le pas.

Il y a 15 jours, j’ai pris cher. J’ai lu un texto sur le téléphone de ma femme et j’ai compris qu’elle m’avait été infidèle. Elle n’allait pas bien depuis quelque temps. Les enfants s’en étaient aperçu et en souffraient beaucoup. J’essayais d’aider toute la famille mais c’était hard à porter. J’étais seul et je ne pouvais pas être à la fois l’amoureux, le conjoint, le thérapeute et le soutien. Encore moins l’homme trompé.

Alors, je me suis mis en mode « commando ». J’ai voulu en parler à ma mère, mais elle vieillit et je ne voulais pas lui causer des soucis. Au fur et à mesure des jours qui passaient, je souffrais de plus en plus, mentalement et physiquement. Le truc qui vous serre le bide, vous fait courber. Je n’arrivais plus à manger ni à dormir.

J’étais au fond du trou, je ne le cache pas. Je ne voyais pas d’issue. Et c’est en allant sur le site web du 3114 que j’ai compris. Je me suis reconnu dans les descriptions. Avant d’appeler je me suis dit « J’en suis vraiment là ? ». Ce n’était pas très clair dans ma tête, mais je crois que j’avais une mauvaise image des gens malheureux. Moi je pensais être fort, rationnel… Mais ce soir-là, je n’étais pas que fort et pas que rationnel.

J’ai eu une infirmière au bout du fil. Estelle. Je lui tire mon chapeau.

Elle a senti que j’étais dans un état de détresse et elle me l’a dit. Malgré mon appréhension, elle a su me faire parler, en mode conversation. J’essayais de ne pas pleurer pour être compréhensible, pour ne pas lui faire perdre de temps non plus car je me disais que d’autres personnes attendaient sûrement. Mais cette façon qu’elle avait de me faire accoucher les mots ! En douceur et avec compréhension. Elle a pris son temps. Je me rappelle, elle m’a dit « Vous avez le droit d’être en colère ». Et ça m’a fait beaucoup de bien d’entendre ça.

Ça soulage de savoir qu’on a le droit de dire « je souffre ». Elle m’a dit de rappeler quand je le voulais, qu’il y aurait toujours quelqu’un pour décrocher même s’il pouvait y avoir un peu d’attente. Maintenant j’ai des ressources, et si demain ça n’allait pas, je pourrais les mobiliser.

Là, je ne suis pas sorti d’affaire et je n’oublierai pas mes problèmes. Mais je vois une psy et je commence à voir qu’il y a des perspectives.

Pour les personnes qui traversent ces moments, j’aimerais leur dire : « Si on a un problème de bagnole, on va chez le garagiste, si on a un problème de canalisation on appelle le plombier, alors si on a des idées suicidaires, on appelle le 3114. Vous n’êtes pas seul. Le futur ne manque pas d’avenir. »

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Ce témoignage a été recueilli lors d’un entretien mené par une sociologue. Une équipe pluridisciplinaire l’a ensuite résumé pour mettre en lumière son parcours. Ce résumé a été relu et validé par Benjamin, qui est un prénom d’emprunt, pour préserver l’anonymat de ce témoignage.

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