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J’ai 38 ans et je m’appelle Jonathan.

J’ai mis des années à parler de mon histoire. En fait, j’ai attendu un premier burnout pour le faire.

Mon enfance a été marquée par le divorce de mes parents. Mon père a quitté ma mère pour un autre homme. On était dans les années 90 et l’homosexualité était considérée comme une maladie. Ce n’était pas comme aujourd’hui. On vivait dans une petite ville alors ça s’est très vite su. À l’école, j’ai donc subi du harcèlement et tout ça m’a démoli. Ma mère n’avait qu’une crainte : que moi aussi je sois atteint de cette « maladie ». Alors elle a cherché à me rendre très « masculin », à me « renforcer ». Comme je lui avais dit que je craignais le noir, elle me faisait descendre à la cave et fréquemment éteignait la lumière. Depuis, je n’ai plus peur du noir. Je n’ai plus peur de rien en fait. Même mourir ne me fait pas peur. D’ailleurs, j’ai eu mes premières idées suicidaires à l’âge de 7 ans.

J’ai toujours refusé mes émotions. Dès que je ressentais une émotion qui me donnait envie de pleurer, je la transformais en colère. Et puis j’ai fait un burnout et j’ai tout repris dans la gueule. Et c’est là que j’ai fini par comprendre qu’il fallait vraiment que j’arrête de les étouffer. Est-ce que je le vis mieux ? Ça c’est une autre histoire !

Aujourd’hui, ça m’est difficile de cacher mes émotions. J’ai été éduqué à « Sois gentil, sois sage, tais-toi », « T’as pas à te plaindre, t’as un toit, t’as à manger… Regarde les enfants dans le monde ». Mais à force de ne pas se plaindre, on accumule, on accumule, on accumule.

Il semblerait aussi qu’on soit passé à côté du fait que je sois ce qu’on appelle un « surdoué ». Ça tourne toujours très vite dans ma tête. Je suis assailli de plein de questions. À tel point que je n’arrive souvent plus à suivre. Et ce jour-là, j’avais besoin de me libérer, de parler à quelqu’un qui n’était pas de mon entourage. Je me disais « même si je pleure, la personne ne sait pas à quoi je ressemble, donc si je la croise dans la rue, elle ne me reconnaîtra pas ».

Pour trouver un professionnel à qui parler, il a fallu que je cherche longtemps sur internet et je suis tombé par hasard sur le numéro du 3114.

J’ai dit « je vous appelle, je ne sais pas pourquoi et je ne sais pas quoi vous dire ».

J’étais perdu. La répondante a dit « Qu’est-ce qui vous arrive ? » et la conversation s’est enchaînée toute seule. On est resté une heure au téléphone. Ça m’a permis de vider un peu mon sac car elle était extrêmement bienveillante, avenante. Elle était dans une démarche d’aide par ses mots. J’ai senti qu’à ses yeux, mes douleurs, mes peines existaient. Parfois, on essaye d’expliquer aux gens pourquoi on a mal et ils ne l’entendent pas, alors on se referme.

À ce moment-là, j’ai pu me mettre « à nu ». Je n’étais pas dans la retenue, je n’avais pas à subir le regard de l’autre, je ne voyais pas les expressions de son visage. Et même si on vous demande votre nom et votre prénom, cet anonymat, il existe.

Demain, si quelqu’un vient me voir en me disant « écoute, ça ne va pas, je ne sais plus quoi faire », je recommanderais d’appeler. Ça a été salvateur pour moi. Je pense que j’aurais clairement pu exploser au téléphone et pourtant la personne serait restée à l’écoute. Parce qu’elle a conscience d’être pour nous « le dernier rempart ».

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Ce témoignage a été recueilli lors d’un entretien mené par une sociologue. Une équipe pluridisciplinaire l’a ensuite résumé pour mettre en lumière son parcours. Ce résumé a été relu et validé par Jonathan, qui est un prénom d’emprunt, pour préserver l’anonymat de ce témoignage.

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